Chapitre 12
Tác giả: Việt Dương Nhân
Madame Kim Cuong et Mai Ly sont assises à l’arrière de la limousine, sans un mot... Le chauffeur connaissait le chemin, il alla directement au quartier chinois de Saigon, le Grand Marché de Chợ-Lớn. Arrivé au carrefour Đồng Khánh và Ngô Quyền , la voiture s’arrêta, le chauffeur informa la patronne :
- Nous sommes arrivés, madame !
- Bien, vous nous attendez un instant, je vais voir. Si quelqu‘un nous raccompagne, vous n’avez pas à attendre, vous pourrez rentrer.
- Bien, madame.
Madame Kim Cuong dit à Mai Ly de descendre de voiture :
- Tu m’accompagnes.
Mai Ly se dit en elle-même :‘’Il y a peut-être d’autres invités, nous ne sommes pas seules, rien que madame et moi !’’. Elle lui demanda :
- Il y a d’autres invités avec nous ?
- On verra, tout à l’heure !
Mai Ly descendit de voiture et la suivit dans le restaurant Bát-Đạt. C’est un des deux plus grands restaurants de Chợ-Lớn. Dès leur arrivée, le personnel d’accueil vint à leur rencontre et les emmena vers le maître d’hôtel, un monsieur d’une cinquantaine d’années, en costume, tiré à quatre épigles. Madame Kim Cuong fit signe au serveur et lui dit à vois basse d’aller voir son chauffeur qui attendait dehors et de renvoyer la voiture :
- Vous pouvez dire à mon chauffeur qui attend dehors qu’il peut rentrer, je n’ai plus besoin de lui.
En apercevant monsieur Thành An, madame Kim Cuong abhorrait aussitôt un sourire triomphant. A l’inverse, Mai Ly était surprise à la vue de monsieur Thành An. Son désappointement se manifestait sans équivoque sur son visage. Mais que pouvait-elle faire ?
Monsieur Thành An les invita à s’asseoir :
- Je vous en prie, prenez place.
Installée, madame Kim Cuong commença tout de suite la conversation :
- Vous venez de rentrer de Hồng-Kông, j’ai entendu dire que vos affaires n’arretent pas de prospérer ?
- C’est vrai, je suis content du développement économique actuel.
Il jeta un coup d’œil distrait sur Mai Ly, fit semblant de la reconnaître :
- Excusez-moi. Est-ce bien mademoiselle Mai Ly que je vois là ?
- C’est cela. Mai Ly ! Est-ce que tu te rappelles de monsieur ?
- Il me semble que je reconnais monsieur.
- C’est monsieur qui t’a fait la dernière fois, un royal cadeau.
Mai Ly se souvint tout d’un coup des dix mille piastres dans l’enveloppe, elle avait eu sa part de quatre mille ; grâce à cela, elle avait pu aider un peu sa mère ; elle lui était vivement reconnaissante de son cadeau et le lui dit :
- Acceptez mes sincères remerciements.
- Ce n’est rien ! Je vous en prie ! Bon appétit, allez-y mademoiselle Mai Ly, commencez, ne laissez pas refroidir !
C’était un repas fabuleux avec des mets extrêmement recherchés : soupe aux ailerons de requin, du pigeon marinés au nid de salanges, cuits dans du jus frais de coco ; les abalones sautés aux légumes et aux champignons parfumés. Après le repas, monsieur Thành An fit une proposition :
- Si vous permettez, puis-je vous inviter avec Mai Ly à écouter de la musique dans une discothèque près d’ici...
Madme Kim Cuong sourit :
- Avec plaisir, monsieur Thành An ! Mais au lieu d’aller au discothèque, nous pourions rentrer chez moi ; à notre bar, nous avons toutes sortes de boissons qui proviennet de France, des Etats-Unis... et les belles fleurs ne manquent pas dans notre bar... vous le savez bien !
L’homme plissa ses yeux, ricana d’un rire goguenard:
- Je ne vois pas d’autres fleurs... Je suis comblé pour moi, ‘’Mai Ly’’ est la plus belle des fleurs !
Mai Ly restait sans broncher. Madame Kim Cuong lui donnait des petits coups de pied sous la table :
- Qu’en dis-tu, Mai Ly ? Monsieur te trouve belle , c’est très élégant de sa part !
- Merci, merci monsieur.
Mai Ly regarda ailleurs, triste et indifférente. Madame Kim Cuong demanda l’accord de monsieur Thành An :
- Alors, vous êtes d’accord avec ma proposition ?
- Aucun problème. Partout où il y a mademoiselle Mai Ly, je suis d’accord !
Il se fit apporter l’addition et demanda sa voiture. Mai Ly durant toute la conversation et le manège ne pipa mot, elle avait le cœur serré par la malheureuse histoire du vol de l’après-midi... Elle pensait sans arrêt à sa mère, et puis à Hoàng, elle n’accordait pas la moindre attention à monsieur Thành An.
Il était plus de dix heures du soir, c’était une belle nuit claire, éclairée par un brillant croissant de lune. Les étoiles scintillaient de mille feux dans le ciel profond sans le moindre nuage. La beauté de la nature inclinait à la douceur et à l’amour ; cependant, Mai Ly, ne voyait rien de tout cela, elle était torturée par le chagrin, pour elle, il semblait que c’était une de ces nuits noires, terrifiantes...une nuit sans lune, sans la moindre lueur d’espoir.
La voiture est maintenant arrivée au Snack-Bar Kim Cuong. Dans le bar, il y a encore cinq, six marines américains qui sont entrain raconter des grivoiseries plus ou moins salées aux entraineuses... leurs rires gras se melent aux notes de musique criarde et tout ce tintamarre vous frappait à la tête dès les premiers pas dans la salle qui les entretenaient. L’employé de service S¿ s’empresse de les rappeller à l’ordre :
- Attention, reprenez-vous, madame vient d’arriver et il semble qu’elle est avec un client !
Madame Kim Cuong, monsieur Thành An et Mai Ly entrèrent ensemble dans la salle. Madame Kim Cuong se dirigea vers les marines pour les saluer. Les quelques politesses d’usage accomplies, elle appella le garçon S¿ :
- S¿ ! Vas-y éteindre les lumières de façade, nous ne recevons plus personne aujourd’hui. Mai Ly, conduis monsieur Thành An de ce côté-ci, dans ce coin de salon, vous y serez plus à l’aise !
Elle invita monsieur Thành An à choisir une boisson :
- Monsieur Thành An, que désirez-vous, qu’est-ce qui vous ferait plaisir ?
- N’importe, tout me convient... Non, vous avez raison, avez-vous du Champagne de France ?
- Mais certainement ! Nous le gardons pour nos bons clients.
- C’est très bien, très bien ! Mademoiselle Mai Ly, êtes-vous d’accord pour m’accompagner ! Je suis ravi de vous revoir, vous savez...
Mai Ly n’a jamais eu encore l’occasion de boire du vin, aujourd’hui elle goute pour la première fois au Champgne. Elle vient de boire tout au plus deux, trois gorgées et déjà elle sent la tête lui tourner. Monsieur Thành An voyant Mai Ly légèrement grise, profite de l’occasion... D’un geste qu’il voulait naturel, il lui passa le bras sur l’épaule tout en lui prenant la main. Il tentait de se rapprocher plus près encore, madame Kim Cuong fit semblant de détourner le regard. Dans le bar, les marines et les hôtesses commençaient à plier bagages, encore quelques mots puis ils ne vont pas tarder à s’en aller, les deux copines Suzane-Trang et Marie-Thu s’étaient mises dans un coin d’où elles pouvaient observer la scène et chuchotaient entre elles. Madame Kim Cuong arriva auprès d’elles et les tança vertement :
- Vous deux ! Vous restez coucher ou vous partez ? Celle qui veut rester coucher peut monter à l’étage, celle qui veut partir, peut rentrer chez elle. Vous pouvez vous en aller, je m’occupe de tout !
Marie-Thu debout et dit :
- Merci bien. Il est encore tôt, si vous le permettez, nous allons faire un tour en ville du côté du marché de nuit, nous reviendrons dormir un peu plus tard ?
- Allez-y vite, le marché de nuit va bientôt fermer.
Suzanne-Trang et Marie-Thu prirent leurs sacs à main et filèrent avec un regard en coin. Leur conversation tout de suite porta sur la petite Mai Ly, Marie-Thu soupira :
- Je suis sure que cette nuit, la petite va se faire avoir par ce vieux richard.
- Cela va sans dire... T’occupes ! Qu’est-ce qui te tracasses ?
- Eh bien, attendons ! Je ne suis pas sure qu’elle se laisse faire aussi facilement que cela !
- Tu veux parier avec moi ?
- Tu parles ! Je n’ai pas envie de parier ! Ce ne sont pas mes oignons. Nous sommes arrivées de toute façon, allons faire un tour du cote de la petite échope qui fait des soupes spéciales.
Mây đen phủ ngập cánh đồng
Làm sao nhìn thấy sắc hồng trời đem !
Dans le Snack-bar Kim Cuong, l’atmosphère a changé. Tous les clients sont partis, il ne restait plus que monsieur Thành An, la petite Mai Ly et la mère maquerelle. Les soucis et le chagrin se lisaient sur le visage de Mai Ly. Monsieur Thành An demanda d’un ton anodin :
- Mademoiselle Mai Ly aimez-vous faire des voyages ?
- Des voyages, mais où donc ?
- Eh bien à Hồng Kông par exemple. Vous venez avec moi, je m’occuperai de tout, vous n’aurez pas à vous en préoccuper.
Mai Ly se retourna vers sa patronne et l’interrogea du regard: ‘’ Qu’est-ce que cela veut dire, pourquoi m’invite-t-il à l’accompagner à Hồng Kông ?’’.
Madame Kim Cuong sans perdre de temps pressa Mai Ly d’accepter :
- Mai Ly ! Tu peux accepter. Tu te rends compte, monsieur t’apprécie énormement pour te faire une aussi belle proposition.
Mai Ly se sentait très lasse, fatiguée, peinée avec en outre le souci de s’etre fait volée cet après-midi... de plus, l’image de Hoàng lui était encore présente à l’esprit, lui faisant mal. Elle se leva lentement et s’excusa :
- Madame, permettez-moi de me retirer. Bonsoir, monsieur et merci de votre aimable proposition.
Monsieur Thành An paraissait déçu , mais il n’avait aucun moyen pour retenir Mai Ly . Il ne put que la saluer :
- Bonsoir, mademoiselle, faites de beaux rêves !
Madame Kim Cuong dit à celui-ci :
- Laissons Mai Ly aller se reposer. Restez encore un petit moment, profiter du Champagne, nous avons à discuter encore de choses et d’autres. J’ai deux, trois petites informations à vous transmettre...
Mai Ly monta à sa chambre, elle se débarrassa de son sac à main, enleva ses chaussure et se déshabilla rapidement ; elle se jeta sur le lit en pleurant de tout son soul.
En bas, les deux compères monsieur Thành An et madame Kim Cuong commençaient à échafauder leur plan. Monsieur Thành An exprima clairement ses intentions :
- Madame ! Je suis très intéréssé par la petite, avez-vous un moyen pour que je parvienne à mes fins ?
- Ne vous inquiétez pas ! Laissez-moi faire ! La petite est encore naïve et idéaliste, c’est difficile. Mais l’intérêt vient de la difficulté, n’êtes-vous pas de mon avis ? Il faut que je vous dise aussi que Mai Ly est encore mineure, elle n’a pas encore les dix-huit ans. Il faut aller doucement, petit à petit, je vais pouvoir la convaincre, j’ai mon plan à ce sujet...
- Je vous fais confiance, vous êtes une femme d’expérience. Le mois prochain, je dois aller à Hồng-Kông. Tachez de convaincre la petite Mai Ly... je ne manquerai pas de vous remercier de la manière la plus ...élégante qui soit !
A l’idée de remerciements qui veulent dire ‘’généreuse rétribution’’, dans les yeux de Picsou de madame Kim Cuong apparaissait l’occasion en or, elle ne la laissa pas passer :
- Monsieur Thành An ! Je sais que vous êtes une véritable personnalité dans le monde des affaires, il paraitrait meme que vous avez votre propre banque. Voilà, j’ai une petite suggestion à faire, je pense que vous l’approuvez !
- Mais certainement, dites-moi de quoìl s’agit.
- En fait, Mai Ly est encore mineure, elle n’a que dix-sept ans. Pour qu‘elle puisse vous accompagner et sortir du pays sans problème, il convient de faire rectifier son age, cela ne sera pas trop difficile. Pour ce faire, vous est-il possible d’avancer à Mai Ly la somme nécessaire ?
- Il n’y a pas de souci à se faire. C’est tout à fait faisable... Mais pouvez-vous me dire combien à peu près ?
- Je pense que cinquante mille piastres suffiront.
- Très bien. Demain, je vais en parler à mon comptable, il vous apportera la somme nécessaire.
- C’est très généreux de votre part, d’autre part vous n’oublierez certainement mes efforts pour vous etre agréable.
- Naturellement, laissez-moi vous remercier de toute votre sollicitude et je ne manquerai de vous remiercier plus encore quand notre affaire aura réussi.
- Sans aucun doute, j’espère que vous n’oublierez pas.
- Non, non.. je n’oublierai pas et si vous êtes disponible, permettez-moi de vous inviter de nouveau à diner, la semaine prochaine !
Monsieur Thành An se leva pour prendre congé. Il sortit de sa poche de veston une enveloppe qu’il remit à la maquerelle, en lui demandant de la remettre à Mai Ly :
- Pouvez-vous remettre ceci à Mai Ly, s’il vous plait. Au revoir, madame.
Après que monsieur Thành An soit parti, madame Kim CÜÖng ferma le portail, la grande porte et mit les verrous. Elle s’assit dans le sofa et décacheta l’enveloppe ; elle trouva une liasse de billets, dix mille piastres et une carte de visite avec ces mots : ‘’Mademoiselle Mai Ly, veuillez accepter ce petit cadeau,j’espère vous revoir bientot ; mes sentiments sont profonds, je voudrais créer une relation durable avec vous...’’. Madame Kim CÜÖng devant la liasse de billets exultait, elle se disait : ‘’A ha ! Cette fois-ci, j’ai trouvé la poule aux oeufs d’or, j’ai tout simplement plumé cette idiote de Mai Ly. Avec ce que vient de remettre monsieur Thành An, je vais memontrer généreuse avec elle en lui faisant cadeau des deux mois de salaire volés et lui donnerai en plus un petit bonus ; elle va croire que je prends bien soin d’elle et elle va me manger dans la main, elle acceptera de faire tout ce que je lui dirais de faire avec monsieur Thành An. Kÿ, cette fois-ci, ma petite, ti ne m’échapperas pas ! Il est déjà très tard, allons-nous coucher, demain j’aurais en plus cinquante mille piastres encore ! ’’. En marmonnant, elle s’étendit dans son lit à palanquin, contente de l’aubaine... pendant ce temps, la petite Mai Ly abattue et découragée, pleurait dans sa misérable chambre...
*
Le soleil est déjà haut dans le ciel, quand Mai Ly commença à reprendre conscience après une nuit agitée. Elle se demandait encore ce qui s’était passé hier au soir... Réalité ou cauchemar, elle s’était couchée à moitié inconsciente, assommée par le Champgne. Mai Ly en se réveillant revint à la sombre réalité de la vie, la perte de ses deux mois de salaire et aussi cet amour pour un homme qui la fait tant souffrir. D’un pas lourd, elle sortit de sa chambre et comme d’habitude vaqua à ses fonctions d’accompagnatrice, elle emmena le petit Út à l’école, puis au retour, alla s’asseoir auprès de la femme de service , qui était en train de s’affairer à préparer le repas :
- Mai Ly ! Que se passe-t-il, pourquoi es-tu si triste ?
- J’en ai vraiment assez de vivre Vú!
- Le diner d’hier soir, c’était bien ? Est-ce que la patronne a pu faire quelque chose pour toi à propos de ce vol ?
- Elle s’était bien occupée de moi pour me distraire de mes idées noires. Mais comment aurais-je pu ! je suis tellement triste, Vú !
- Que veux-tu, cela arrive à tout le monde, un moment d’inattention et on fait une chute ! A qui attribuer la faute? Personne n’y peut rien...
Bien qu’ elle ait été la complice, l’exécutante Vú avait vraiment pitié de la détresse de la petite Mai Ly, mais que pouvait-elle faire, elle n’était qu‘une employée aux ordres de la patronne toute-puissante ! Elle est employée ici depuis plus d’une dizaine d’années et avait le témoin de plusieurs cas semblables à celui de Mai Ly. Elle essaya de consoler un peu Mai Ly :
- Tu es vraiment dans une période noire, courage, après la pluie, le beau temps... ça va passer , tu verras !
- J’ai perdu plus de deux mois de salaire, Vú! Mais je n’ose pas soupçonner qui que soit, ce ne serait pas juste et puis, je suis triste parce que je ne peux meme pas aller rendre visite à ma mère.
- Eh bien, vas voir ta mère, ça te fera du bien, tiens, je vais t’avancer un peu d’argent pour le bus.
- Ce n’est pas ça... je voudrais lui ramener un peu d’argent. Tu sais, elle fait un dur métier ; elle ne gagne pas grand’chose à faire ses crêpes toute la journée ! Je voudrais l’aider un peu.. cela ne sert à rien de lui rendre visite, si je ne peux rien lui rapporter !
- C’est déjà bien que tu rentres la voir ; elle ne va pas te tuer si tu ne lui ramènes pas d’argent cette fois-ci ; qu’est-ce qui t’arrêtes alors ?
- Non, j’ai mes idées là-dessus, tu ne comprendrais pas.
- Qu’est-ce que tu es compliquée ! Tu ne crois pas que c’est de la fierté mal placée ?
- Tu as raison ! Ceux qui sont trop bas et qui n’ont rien, ont au contraire beaucoup d’amour-propre et de fierté... Cela, c’est bien vrai !
- Et ta mère, elle est comme toi aussi ?
- Comme n’importe qui sur cette terre.
Après une conversation pleine de banalités et un repas sans saveur. Mai Ly remonta dans sa chambre, tourmentée par ses sombres pensées ; elle aurait voulu en finir avec la vie, une fois pour toutes, mais ceci dit, si elle ratait son coup, que deviendrait-elle... elle ruminait son désespoir et sa rancœur.
L’après-midi approchait de sa fin, Mai Ly fit un effort pour se lever et s’apprêtait à aller rechercher le petit Út à la sortie d’école. Madame Kim Cuong s’était déjà levée, elle tomba inopinément sur Mai Ly en sortant de ses appartements, souriante elle lui dit d’entrer un instant :
- Ah Mai Ly ! Entre, j’ai à te parler.
- Je dois aller chercher Út, c’est l’heure de la sortie.
- Attends !
Elle se mit à héler d’une vois forte la femme de service :
- Vú ! Vú, qu’est-ce que tu es train de faire là? Est-ce que tu peux aller chercher le petit ? J’ai besoin de Mai Ly !
La réponse ne se fit pas attendre :
- J’y vais tout de suite !
Madame Kim Cuong, étrangement familière entraina Mai Ly dans sa chambre :
- Attends-moi ici, un petit moment, je termine ma toilette , j’ai pas mal de projets intéressants dont je veux t’en parler.
Madame Kim Cuong peu de temps après revint vers Mai Ly, elle prit sur la table, le verre d’orange pressé qui avait été préparé à son intention. Après avoir pris son temps pour le terminer , elle s’éclaircit lavoix :
- Alors, la soirée d’hier, tu en es contente et fière, n’est-ce pas? Monsieur Thành An est quelqu’un d’exceptionnel, tu es d’accord ? Tu sais qu‘il t’a remarquée et t’apprécies particulièrement. Il m’a chargée de t’en parler, tu sais qu’il désire aller jusqu’au mariage, c’est pour toi une chance inouie ; c’est une vraie aubaine, tu devrais accepter sans tarder. Avec un tel parti, tu t’en doutes bien, ton avenir est assuré ! !
- Vous avez raison, madame, mais je suis encore trop jeune et je ne me sens pas prête, et puis il y a encore autre chose...
- Autre chose... Quoi autre chose ? Une fille en âge de se marier, c’est une occasion en or, il n’y en aura pas d’autre comme cela... et tu fais la fine bouche !
- Je sais... mais j’ai très peur ! Tout ce que je voulais en arrivant ici, c’est gagner un peu d’argent pour aider ma mère qui peine à faire des gâteaux pour gagner sa vie.
- Raison de plus, tu acceptes monsieur Thành An, il est tellement riche, il peut facilement prendre en charge ta mère.
- Mais je ne l’aime pas, ce monsieur !
- L’amour...l’amour ! Sache, ma fille, dans cette vie, c’est l’argent qui compte avant tout !
Néanmoins, elle n’alla pas plus loin dans la discussion, ellechangea de registre pour ne pas charger la jeune fille :
- Tiens, regarde plutôt... Monsieur Thành An a laissé un cadeau pour toi, j’ai rajouté une compensation pour le vol que tu viens de subir.
Sans s’en douter Mai Ly remercia sa voleuse ; dans l’enveloppe qu’elle venait d’ouvrir, elle trouva la liasse de billets , son moral revenait :‘ Je suis contente ! Je vais aller voir ma mère et lui apporter ce cadeau ’’. Une petite voix intérieure lui demandait tout même de rester vigilante :‘’Ce n’est quand même pas normal ! Ils sont en train de préparer un traquenard, c’est certain... Tant pis, on verra bien, pour l’instant, j’ai un peu d’argent ; je vais demander deux jours de congé pour aller voir ma mère... Après, après... On verra !’’.
Madame Kim Cuong ne peut que se résoudre à accéder à la demande de la petite. De toute manière, elle voulait toucher les cinquante mille piastres en l’absence de Mai Ly. Celle-ci, pendant ce temps était allé retrouver sa mère. Comme la dernière, elle resta dormir une nuit avec sa mère ; son amour pour Hoàng demeurait vivace, elle ne put s’empêcher de retourner à la boutique Tấn Phát, dans l’espoir de le voir.
A son arrivée, elle salua les époux Tấn et sans attendre, alla directement à l’arrière de la boutique là où se passait la vie de la famille. Elle y trouva la cuisinière chị Út en train de préparer le repas. Celle-ci la salua et chaleureusement demandait de ses nouvelles, ce qu’elle devenait... Elle savait fort bien que Mai Ly était là pour Hoàng. Elle alla chercher la lettre que celui-ci avait laissé pour Mai Ly... au cas où elle viendrait. Il savait fort bien que celle-ci allait immanquablement repasser. La lettre datait déjà environ deux mois.
Mai Ly prit la lettre le coeur battant, elle se demandait ce que contenait la missive ; elle cherchait à garder son calme. Avec un petit sentiment de honte amoureuse, elle n’ouvrit pas la lettre tout de suite... elle voulait être seule de peur que l’entourage ne s’aperçut de son émoi ! Mai Ly prétexta une affaire urgente et repartit aussitôt, inquiète et heureuse à la fois. Elle se dirigea rapidement vers le pont de Chà-Và, il y avait sur le côté gauche du pont un petit estaminet, elle se commanda un verre d’orange pressé, elle attendit que le serveur soit reparti pour ouvrir lentement la lettre :
Xóm-Củi, le...
Ma chère Mai Ly ,
Je sais que tu me réserves de tendres sentiments, néanmoins, pour ma part, je te vois plutôt comme une gentille petite soeur rien de plus. J’ai déjà quelqu’un dans ma vie et je vais bientôt me marier...
Je te souhaite beaucoup de réussite sur le chemin de la vie.
Ton ami,
Nguyễn Thanh Hoàng
*
Tim đau nhói, lệ trào roi
Tình yêu nay đa ra khoi xa vời
Mai Ly nhu kẻ chết ngồi
Lặng im mà tuởng đâu trời nổ tung.
Mai Ly sentit un froid lui parcourir tout le corps, elle était là pétrifiée de douleur :‘’Je suis vraiment sotte, maladie d’amour... a failli eu raison de moi, il y a deux mois déjà. J’ai cru que c’était fini... que j’avais réussi à oublier toute cette histoire ! Hoàng est très clair maintenant, il se marie. Pourquoi m’attacher encore à lui ? Je suis sotte... Sotte et stupide!’’.
Mai Ly aurait voulu pouvoir écraser sa douleur entre ses mains comme la boulette de papier qu’elle serrait encore dans la main. Elle paya le verre sans en boire une goutte, se leva et s’en alla d’un pas lourd. Dans sa tête, tournait sans cesse le refrain : oublier...oublier Hoàng ! Arrivée au Kim Cuong Bar , elle monta directement à sa chambre. Informée, madame Kim Cuong dépêcha la femme de service pour lui dire de venir la retrouver dans ses appartements . A sa vue, elle manifestait son tentement, comme si celle-ci lui avait manqué pendant ces deux courtes journées :
- Comment vas-tu, et comment va ta mère ? Qu’avez-vous fait toutes les deux ?
- Merci. Ma mère va bien !
- J’ai quelque chose de très important à te dire aujourd’hui, va vite te rafraichir, dès que Vú aura dressé la table, tu dîneras avec moi, nous en discuterons...
Au cours du repas, madame Kim Cuong s’occupait d’elle comme elle le ferait pour un invité de marque... Mai Ly n’était pas étonnée de ce manège, elle commençait à comprendre plus ou moins ce que cela cachait... Néanmoins, dans sa position de dépendance, d’une petite bonne d’enfants, elle n’avait pas son mot à dire ; elle savait pertinemment que la patronne avait reçu pas mal de blé de la part du riche commerçant Thành An. Il y a sans aucun doute un gros traquenard, mais quoi, elle n’avait pas d’idée à ce sujet ?
Le repas terminé, la femme de service avait fini de débarrasser la table. Mai Ly commençait à vouloir elle aussi à se retirer. Elle se sentait lasse, après la lettre de Hoàng. Madame Kim Cuong la retint :
- Attends un instant, reste encore un moment avec moi... Ah oui ! je ne te l’ai pas encore dit, monsieur Thành An veut t’emmener seul à seul dîner avec lui.
- Vous ne viendrez pas, alors ?
- Il voudrait te voir seul à seul. Il a des choses àte dire, tu sais, il t’apprécie énormément et puis, n’oublie pas, il t’a déjàfait par deux fois, des cadeaux vraiment royaux !
- D’accord ! Beaucoup d’argent ! Pour cette fois-ci, je vais y aller, j’en profiterai pour le remercier une dernière fois de sa générosité...
Mai Ly fatiguée par tant d’émotions, s’endormit comme une masse. Au matin, elle se leva et comme d’habitude vaqua à ses occupations journalières. Après cela, Mai Ly remonta dans sa chambre et se mit à réfléchir :‘’Le diner avec monsieur Thành An me cause réellement trop de tracas... Dois-je y aller ? Si j’oppose un refus, j’ai peur que la patronne ne me licencie sur-le-champ !’’. Mai Ly à contre cœur se résoud à commencer à aller se préparer... elle repassa cette fois-ci, la tunique bleue et le pantalon de satin blanc. Elle se maquilla légèrement, une touche de rouge sur ses lèvres et un peu de rose à joues. Perdue dans ses pensées, elle se rendit à peine compte que l’heure avançait et qu’il allait bientôt être 7 heures du soir. La voix stridente de la patronne la tira de ses réflexions, elle appellait à tue-tête, la femme de service :
- Vú ! Où est passé Mai Ly ?
- Elle est là-haut dans sa chambre !
La voix stridente s’adressait maintenant à elle :
- Mai Ly ! Est-ce que tu es prête ? Descends, j’ai à te parler !
- Oui, madame, j’arrive tout de suite.
Mai Ly entra dans la chambre de madame Kim Cuong, celle-ci l’inspecta de la tête aux pieds :
- Viens ici que je puisse voir un peu. C’est pas mal, c’est vrai c’est pas mal du tout, tu es très belle ainsi ! Ces tuniques commencent à se fatiguer... Dès que je serais disponible, nous irons faire nos emplettes, en chercher d’autres.
- Merci beaucoup, madame. Je ne les ai pas beaucoup utilisées, elles sont au contraire, encore toutes neuves !
- Oui, tu as raison, mais je voudrais que tu en d’autres pour en changer plus osuvent. Si tu es prête, descendons au Bar. Monsieur Thành An ne va pas tarder à arriver.
Madame Kim Cuong venait à peine de terminer sa phrase que S¿ l’homme à-tout-faire toquait à la porte pour annoncer :
- Madame, votre invité vient d’arriver.
Madame Kim Cuong souriante lui dit :
- Tu vois, c’est ce que je disais, il est vraiment ponctuel. Mai Ly, tu dois lui porter beaucoup de respect et de gratitude pour sa générosité à ton égard !
Mai Ly gardait le silence et accompagna madame Kim Cuong. Celle-ci poussait Mai Ly du coude et lui fit traverser la rue, monsieur Thành An était assis au volant de la voiture. Il était seul, sans son chauffeur habituel. Voyant les deus femmes venir à lui , il sortit ouvrir la portière et fit monter Mai Ly, puis prit congé de madame Kim Cuong. En faisant rouler doucement la voiture, il demanda à Mai Ly :
- Qu’est- ce qui te ferait plaisir Mai Ly ? Qu’est-ce que tu aimes Français, indien, chinois ou vietnamien ?
- C’est vous qui voyez, moi, je mange de tout.
- Alors si tu veux bien, allons chez ‘’Bồng Lai‘’, il y a là de la musique. Est-ce que tu connais ce restaurant ?
- Non, pas du tout.
Monsieur Thành An l’emmena au centre ville et trouva à stationner du coté de la rue Lê Lợi . Il la guida ensuita jusqu‘au restaurant. Mai Ly était surprise par l’atmosphère du lieu. Une lumière tamisée... il était encore trop tot , il n’y avait pas encore de musique... Le réceptionniste guida monsieur Thành An et Mai Ly vers une table discrètement située dans le fond, à l’abri des regards curieux ( c’est certainement le coin réservé aux clients privilégiés, mariés qui ont besoin de se cacher avec leurs maîtresses...). Ce fut un repas somptueux avec des mets recherchés en cuisine chinoise et vietnamienne à la fois. Monsieur Thành An commanda du Champagne sans demander à Mai Ly si cela lui cenvenait. Mai Ly essaya de demander au serveur :
- S’il vous plait. Est-ce que je pourrais avoir un jus d’orange ?
- Certainement ! Mademoiselle...
Monsieur Thành An lui coupa rapidement la parole:
- Le Champgne suffira. Profite du Champagne. Ne demande pas de jus d’orange, cela ne se fait pas.
Mai Ly est offusquée en elle-même :‘’ Qu’est-ce qu’il veut ? Il veut peut être me piéger ! Tant pis, allons jusqu’au bout... on verra bien quelles sont ses intentions ! ’’. Excédée Mai Ly prit le verre de Champgne et le but d’un seul trait. L’instant d’après, l’alcool fit tout de suite son effet, elle se sentait la tête lourde ; malgré tout, elle réussit à faire honneur au repas. Monsieur Thành An avait rapproché sa chaise, Mai Ly se sentait gênée et contrariée. La musique commençait à se faire entendre. Les chansons se mêlaient confusément aux conversations des clients, créant un autre monde, chimérique, le monde des sens. Sur la piste, quelques couples commençaient à évoluer, le Tango aux mouvements évocateurs... Les hotesses dans leurs tuniques sur des pantalons de mousseline légère tournoyaient comme des papillons multicolores. On se croirait réellement dans le monde des immortels, entouré de créatures célestes ‘’Bồng-Lai le paradis des immortels ’’. Monsieur Thành An se fit plus tendre et entourant Mai Ly lui sussurra :
- Mai Ly ,ma chérie, viens danser !
Mai Ly en entendant monsieur Thành An l’appeler ma chérie, sentit la haine monter en elle . Elle lui lança un regard noir et refusa net :
- Je ne sais pas danser !
- Rien de plus facile ! Viens, tu n’as qu’à te laisser guider, tu vas voir.
- Non, ce n’est pas possible, je ne veux pas me rendre ridicule !
- Si tu ne veux pas, tant pis je peux faire tout ce que tu veux, mais ne m’appelles plus monsieur. Tu peux me tutoyer, tu ne veux pas ?
Mai Ly sentait la moutarde lui monter au nez. Avec son caractère entier, elle ne craignait de lui balancer vertement :
- Excusez-moi, monsieur Thành An. Vous êtes déjà vieux, vous pourriez être mon père. Aujourd’hui, j’ai accepté d’aller dîner avec vous, parce que vous m’avez aidé deux fois déjà, je profite pour vous remercier vivement encore une fois pour vos cadeaux si généreux à mon égard. Maintenant, je voudrais rentrer... si vous ne voulez pas me ramener, je m’en vais seule !
Monsieur Thành An devant la fermeté de Mai Ly craignait que celle-ci ne s’en allait le plantant là, provoquant un scandale qui lui ferait perdre la face ; il obtempéra immédiatement, se fit apporter l’addition et ils s’en allèrent. Mai Ly et monsieur Thành An venaient à peine d’arriver à la porte du ‘’Bồng Lai’’ qu’un orage tropical soudain et violent s’abattit brutalement. Monsieur Thành An pensait profiter de l’occasion pour retenir encore Mai Ly. Mais celle-ci persistait à vouloir rentrer malgré l’orage. Sous la pluie battante, ils rejoignirent le véhicule parqué un peu plus loin. Néanmoins, ils étaient entièrement trempés, les vêtements leur collaient à la peau. Dans la voiture, monsieur Thành An ne voulut pas faire partir le moteur immédiatement ; l’averse redoublait d’ardeur , le tonnerre et les éclairs se succédaient dans une ronde infernale. Mai Ly était à moitié groggy par le vin. Transie de fatigue , elle s’adossa nonchalemment contre le siège, elle n’avait conscience que sa tunique trempée était complètement transparente et faisait apparaître des courbes évocatrices sous le tissu léger qui maintenant la dénudait plus que ne l’habillait. Comme un tigre vorace, l’homme se jeta sur elle, dévoré de désirs, cherchant à consommer sa forfaiture... Mai Ly à ce brusque contact, bondit... trouva heureusement la poignée de la portière qui s’ouvrit brusquement sous le poids, elle tomba à la renverse et à quatre pattes, sans bien savoir ce qu’elle faisait, elle se remit debout et courut sous la pluie, sans chaussures... Dans son esprit ne résonnair qu’un seul mot : courir !.. courir le plus loin possible. Mai Ly courait sans s’arrêter sous la pluie battante. Les tornades de vent, la pluie lui fouettaient ! Les éclairs et le tonnerre la pourchassaient sans répit ! la nuit était noire, dans la pluie, il n’y avait plus de voiture, personne n’osait se risquait dehors. Seule Mai Ly courait dans la rue, les longs cheveux épars ; la tunique blafarde lui collait au corps... un squelette ambulant sous la pluie ! Mai Ly courait, mettant toute son énergie, ses forces dans cette course folle... L’alcol faisait son effet, le froid pénétrant du vent, de la pluie... Mai Ly sombra insconsciente dans une rue sombre de Saigon, au cours de cet automne de 196.../.
Continue Tome II
Viet Duong Nhan – Nguyen Thi-Bay
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